L'état du Cachemire tient une place mythique dans l'esprit de l'Inde. Longtemps connue comme l'une des plus belles vallées montagneuses du monde, elle est devenue depuis la fin des années 1980 synonyme d'un conflit politique et sectaire qui frappe au cœur même de l'identité indienne. Sikka, basé à Delhi, a voyagé à travers le Cachemire en 2014 et 2015, pour tenter de donner un sens à cette région troublée à travers sa propre expérience personnelle. Inspiré du roman de Mirza Waheed Le collaborateur, qui raconte l'histoire de la lutte d'un jeune homme du Cachemire avec son propre sens de soi secoué par les exigences de l'histoire et du présent, le projet qui en résulte est une méditation sur le paysage riche et verdoyant et ceux qui y ont vécu et lutté.

Le noyau central de Where the flowers still grow est composé de portraits de jeunes hommes, tournés seuls dans la grandeur colossale d'un paysage préservé qui semble ignorer les frontières nationales et les rivalités politiques. Les hommes fixent la caméra de Sikka, qui les fixe en retour, comme si leurs images silencieuses contenaient en eux des millions de mots nécessaires pour tout expliquer. Après avoir fusionné des portraits d'hommes du Cachemire avec leurs paysages, Sikka a entrepris d'enregistrer les détails plus personnels de ses visites, photographiant des objets trouvés dans les maisons mais aussi des animaux, des bâtiments abandonnés et des éléments de la nature. Ces détails fournissent une mise en scène du projet de Sikka, articulant une interprétation plus nuancée de la région et de ses habitants, tout en soulignant les contrastes sans fin entre le monde naturel bucolique et indifférent et les vies et les rêves humains et individuels. Ce qui nous reste finalement, c'est la réponse émotionnelle de Sikka à ses visites au Cachemire, les preuves résiduelles d'événements traumatisants et les témoins muets des convulsions de l'histoire.